Le domaine de la Chevalerie se situe à Restigné, sur l’appellation viticole de Bourgueil. Les sols de cette commune sont pour moitié constitués de tuffeau et de silice, pour moitié de sable et de graviers. Ils se sont formés à la période du Crétacé de l’ère secondaire, entre -135 millions d’années et -65 millions d’années.
Cette période longue de 70 millions d’années est importante dans l’histoire de la terre, car elle correspond à une série de régression puis de forte transgression marines qui façonnèrent le sous-sol des régions de Loire en y favorisant le dépôt de craie.

Divisions du Crétacé. (Extrait du livre « Histoire de la Terre » de Serge Elmi et Claude Babin.)

Le Crétacé se divise en deux sous-systèmes : le crétacé inférieur (-135 à -96 millions d’années) et le crétacé supérieur (de -96 à -65 millions d’années). On notera, dans le crétacé supérieur, que le Sénonien regroupe tous les étages qui succèdent au Turonien et Cénomanien. Il marque en effet le moment où la transgression marine (avancée de la mer sur les terres) est à son apogée.

Que s’est-il donc passé sur notre terre il y a 135 millions d’années ?
A la fin du Jurassique, début du Crétacé, le bassin parisien est un vaste domaine continental au climat tropical. Au Crétacé inférieur, pendant une quarantaine de millions d’années, la mer revient progressivement sur le bassin parisien par le Sud-Est, avant de se retirer dans le domaine jurassien au Barrémien supérieur. A l’Aptien et à l’Albien, la transgression reprend, dépassant les limites antérieures : se déposent alors des sables glauconieux, puis des argiles noires, des marnes et des grès calcaires. Au Cénomanien et au Turonien, le niveau moyen des mers montent encore, c’est là que se déposent les craies glauconieuses et craies marneuses avec silex noir, dont une partie se charge en sable et en mica, formant ainsi la fameuse craie-Tuffeau de Touraine que l’on exploita pour construire les châteaux de la Loire.

La France au crétacé supérieur. (Source: http://www.vinsvignesvignerons.com)

La fin du Sénonien (étage Maastrichtien) marque la régression brutale des mers, les régions crayeuses se recouvrent alors d’un manteau d’argile à silex résultant de l’altération de la craie et des roches des massifs voisins.

Conscient de la variété des sols de leur vignoble, le domaine de la Chevalerie cherche à en révéler la quintessence en produisant des cuvées parcellaires aux caractéristiques édaphiques distinctes. La carte ci-dessous permet de localiser les différentes parcelles du domaine.

Localisation des parcelles de vignes du domaine de la Chevalerie. (Source: http://www.domainedelachevalerie.fr)


Bretêche et Chevalerie sont deux parcelles partageant le même sol, dont la roche date du crétacé supérieur (période du Turonien moyen, voir le tableau des divisions du crétacé ci-dessus). Elle se compose de craie micacée constituée par un calcaire détritique gris ou blanc, micacé, et glauconieux, c’est-à-dire qui contient de la glauconite, un minéral typique des assises crétacées et qui se forme principalement dans les fonds marins à une profondeur de 200 à 1800 mètres. La présence de glauconite dans ces sols calcaires est un atout pour la vigne car la partie instable du minéral se dissocie en silice et plus particulièrement en hydroxydes de fer qui protègent les ceps de la chlorose (anémie végétale causée par le manque de fer et fréquente en sol très calcaire).
Par endroit, la craie peut présenter ce qu’on appelle des « accidents silicieux », ce qui signifie qu’elle contient des nodules de silex qui peuvent être abondants par endroit.
L’âge des vignes diffère également pour ces deux parcelles : elles sont jeunes sur Bretêche (25 ans) et vieilles sur Chevalerie (65 ans). Les vins issus des raisins de ces deux parcelles sont fruités et soyeux, les vieilles vignes de Chevalerie donnant un jus plus concentré et complexe que celles de Bretêche.

Il faut ensuite monter sur le coteau, à environ 70 mètres d’altitude, pour trouver les vieilles vignes de la parcelle Busardières, positionnée à la frontière d’un autre affleurement géologique : en effet, la craie micacée des parcelles Bretêche et Chevalerie laisse place à un sol formé au Turonien supérieur et composé de tuffeau jaune et de sables glauconieux. Cet étage du Turonien se caractérise par la présence de sédiments variés : on y trouve des calcaires bioclastiques (contenant des débris ou des fossiles entiers), des grès et des sables. Le lieu-dit Busardières a un faciès riche en sables coquilliers, de couleur jaune, glauconieux, aux nombreux grains de quartz et minéraux lourds (tourmaline, andalousite,…). Le vin de ce lieu est un vin dit « de tuffeau », c’est un vin de garde et la dégustation de millésimes plus ou moins jeunes montre que ce dernier doit reposer au moins 5 à 6 ans en bouteille avant d’être consommé, sous peine de le trouver fermé.
La parcelle Grand-Mont, située à la même altitude que Busardières, mais plus à l’ouest et sur la commune de Benais, partage ce même sol de tuffeau jaune et de sables glauconieux. Les vignes âgées d’environ 55 ans sont protégées des vents froids par la forêt qui couvre le plateau et leur assure un microclimat extrêmement favorable. Le vin parcellaire Grand-Mont est un vin corsé et de longue garde. Sa capacité à vieillir longtemps lui permet de s’épanouir avec l’âge et de développer une grande complexité aromatique.

La différence de terroir se perçoit nettement dans les vins : Busardières et Grand-Mont, situées sur sol de tuffeau jaune, donnent des vins denses qu’il convient de laisser vieillir en cave tandis que Chevalerie et Bretêche, situées sur sol de craie micacée, nous proposent des vins plus immédiats, savoureux et gourmands. Cerise sur le gâteau : l’élevage en fût de chêne de ces vins a lieu dans une immense cave troglodyte d’un hectare, creusée dans ce même sol de craie micacée…


Sources bibliographiques

Benoît FRANCE, Grand Atlas des Vignerons de France 2008
Serge ELMI, Claude BABIN, Histoire de la Terre – 2012
http://www.vinsvignesvignerons.com