Le pressurage est une étape déterminante du processus de vinification : elle consiste à presser les raisins afin d’en extraire tout le jus. Cette opération, réalisée depuis l’Antiquité pour l’élaboration des vins, comme en témoigne Pline l’Ancien dans ses écrits, est devenue une étape primordiale et indispensable dans l’élaboration des vins blancs dont on voulait que la couleur soit la plus pâle possible, particulièrement en Champagne où l’on élabore des vins blancs à partir de cépages rouges: le pressurage immédiat des raisins, après vendange, permet en effet d’éviter une coloration des jus par un contact prolongé avec les peaux des raisins.

Le pressurage est également effectué pour les vins rouges, mais il intervient après la phase de fermentation des raisins: le but n’est plus de limiter une coloration, mais d’extraire le plus de jus possible des marcs fermentés. La présence d’alcool, générée par le processus de fermentation, rend le marc très sensible à la lacération, il faut donc éviter de trop le triturer avant de le presser afin d’éviter la dispersion de composés amers non désirables. Le vin de presse (issu du pressurage du moût fermenté) pour les rouges ne représente qu’une petite partie du volume total, de 10 à 20% maximum, l’essentiel du jus ayant été récupéré par écoulement naturel en sortie de cuve et que l’on nomme jus de goutte.

DESCRIPTION DU PROCÉDÉ DE PRESSURAGE

L’étape de pressurage est capitale pour l’obtention d’un vin blanc de qualité. Une fois les raisins cueillis dans des paniers ou cagettes, ils doivent être conduits au plus vite au centre de pressurage. Un premier et léger foulage est opéré afin de débarrasser les raisins d’un premier jus, que l’on mettra à part car il contient généralement des impuretés et peut déjà avoir subi une certaine oxydation.

Il faut ensuite presser les raisins au plus vite: ils sont placés sur la maie (table du pressoir destinée à recevoir les raisins) des pressoirs verticaux traditionnels, ou dans la corbeille des pressoirs horizontaux modernes. Les raisins sont alors serrés lentement par une pression progressive et discontinue appliquée par un plateau supérieur sur le marc pour les pressoirs verticaux, ou par des membranes gonflables pour les pressoirs horizontaux. Lorsque le jus cesse de couler, on arrête le pressurage: le marc a pris l’aspect d’un gâteau dont les contours sont constitués de raisins encore gorgés de jus car moins soumis à la pression que les raisins du centre. Il faut alors procéder à une opération dite de retrousse, qui consiste à tailler ou casser les bords du gâteau pour  les ramener au centre, puis on serre de nouveau. L’opération est renouvelée trois ou quatre fois (on parle de trois ou quatre serres) et le jus ainsi obtenu est appelé vin de cuvée, jus de goutte ou de coule. Le reste du moût est alors pressé une cinquième et sixième fois, c’est le vin dit de presse ou tailles, que l’on stocke à part.

Pressoir vertical traditionnel – Maison de Champagne Demière.

RÉGLEMENTATION DES MÉTHODES DE PRESSURAGE POUR L’ÉLABORATION DES EFFERVESCENTS D’APPELLATION.

L’élaboration des vins effervescents d’appellation comme les crémants, la blanquette de Limoux, et tout particulièrement le Champagne, fait l’objet d’une réglementation très strict imposée par le Cahier des Charges de chacune des appellations concernées, dont celui de la Champagne est le plus sévère.

Les cahiers des charges des crémants et blanquette de Limoux d’appellation définissent les règles d’utilisation des pressoirs selon des critères bien spécifiques liés à :

• la vendange : réception, égouttage ou foulage,
• au pressoir: lieu d’implantation, type de pressoir (pneumatiques, horizontaux, verticaux…), et la conduite du pressurage (à console programmable, automatique avec mode manuel obligatoire ou non),
• au chargement des raisins: le dispositif de pesée, l’aire de stockage, la hauteur de chute des raisins et leur mode de transport (utilisation de tapis autorisée ou non), ainsi que le chargement du pressoir,
• au fractionnement des jus, à savoir la mise à disposition d’un nombre suffisant de cuves permettant la séparation des jus issus des différentes serres (cuvées et tailles)
• aux règles d’hygiène (aire de stockage et de pressurage, entretien du pressoir et des récipients à vendange).

La champagne fait l’objet d’un cahier des charges encore plus strict, car les vignerons champenois ont la particularité d’élaborer des vins blancs à base de raisins noirs, et ils ont vite compris, après des siècles de pratique, que le pressurage est une étape fondamentale et déterminante de la vinification de ces vins blancs dont on doit éviter que les peaux noirs des raisins n’en colorent le jus.
Les critères de réglementation du pressurage champenois pour l’obtention de l’AOP champenoise sont très strictes et imposent une agrémentation des centres de pressurage, une capacité bien précise des pressoirs et un rendement maximum à ne pas dépasser lors du pressurage.

CAS PARTICULIER: LA CHAMPAGNE

La réglementation

L’élaboration d’un champagne de qualité nécessite un pressurage aussi doux que possible. N’oublions pas que le but est d’éviter une coloration quelconque du jus par les peaux des raisins, et d’éviter une extraction d’éléments indésirables tels que les tannins issus des peaux ainsi que ceux des pépins de raisins, qu’une trop forte pression peut écraser en provoquant une libération de composés amers et désagréables.

Une des réglementations du pressurage pour l’obtention de l’appellation Champagne, est la limitation de son rendement : seuls 102 litres de jus peuvent être récupérés pour 160 kg de raisins utilisés. Les 82 premiers litres sont appelés cuvée, les 20 litres restants sont appelés taille. Les volumes pressés au-delà et appelés rebêches sont impropres à la fabrication des vins mousseux, mais peuvent servir à la consommation personnelle des vignerons, et le marc final restant sera utilisé avantageusement à la fabrication des vins de sucre.

La seconde réglementation du pressurage est le fractionnement obligatoire des jus, à savoir qu’elle impose de disposer d’un nombre suffisant de cuves destinées à recevoir séparément les cuvées, les tailles et les rebêches.

Une troisième réglementation impose les principes de pressurage suivant :

– pressurage des grappes entières composées de baies intactes (induisant par la force des choses des vendanges manuelles uniquement)
– hauteur de chute des raisins limitée de 1 à 2 mètres maximum au dessus du pressoir
– tapis à raisins interdits
– utilisation de faibles pressions de pressurage pour limiter la dégradation des baies, elle correspond à la pression que l’on exercerait entre le pouce et l’index pour écraser un grain de raisin.

Sachant que l’unité de base de pressurage, appelé marc, est de 4000kg de raisins, et le rendement limité à 102 litres pour 160kg de raisins, la quantité maximale de jus pressuré sera donc de 25,5 hectolitres dont :

• Le premier jus, ou cuvée, est obtenu par trois presses ou trois serres successives et discontinues, ce qui représente environ un volume de 20,5 hectolitres.
• Un second jus, ou taille, est obtenu en effectuant généralement deux presses supplémentaires. Le premier serrage fournit le jus de première taille, et le second serrage le jus de seconde taille.

La cuvée et les tailles sont ensuite fermentées séparément et lorsque la fermentation est terminée, on juge si l’on doit mélanger ces vins ou non: mais les meilleurs champagnes sont élaborés exclusivement à partir de la cuvée. Pour atteindre des vins de qualité supérieure, certaines maisons de champagne n’hésitent pas à séparer les jus issus des trois premières serres dans des cuves différentes afin d’élaborer des champagnes haut-de-gamme. La maison DOYARD, située à Vertus (Côte des Blancs), propose un champagne Blanc de Blancs élaboré uniquement à partir des jus des deux premières serres de la cuvée, et un champagne Clos de l’Abbaye, élaboré uniquement à partir du jus de première serre de la cuvée.

Champagne Doyard Blanc de Blancs – 2009 – Élaboré à partir des moûts de 1ère et 2nd presses

Champagne Doyard – Clos de l’Abbaye – 2011 – Élaboré à partir des moûts de 1ère presse uniquement.

Les pressoirs champenois

Les pressoirs champenois utilisés actuellement sont :

• Le pressoir traditionnel vertical piloté manuellement et appelé pressoir Coquard: les raisins sont déposés dans la maie et sont ensuite écrasés par un plateau se déplaçant verticalement grâce à un système hydraulique. Ces pressoirs sont conduits manuellement pour les opérations de chargement, retrousses, déchargement et nettoyage, mais le serrage peut, selon les modèles, être programmé pour la montée en pression. La taille individuelle des pressoirs est réglementée par le cahier des charges de l’AOP Champagne et tolèrent des capacités allant de 2000 à 12000 kg maximum.

• Les pressoirs horizontaux à plateaux: ils ont fait leur apparition dans les années 1950, et permettent une mécanisation des retrousses (donc une réduction des coûts de main-d’oeuvre), mais ils ont l’inconvénient de fournir des jus plus troubles car plus fortement chargés en résidus de matière.

• Les pressoirs pneumatiques horizontaux à vessie, puis à membrane latérale: ils ont été développés dans les années 1980, permettant une automatisation des retrousses tout en offrant un jus de meilleure qualité et moins turbides que ceux issus des pressoirs horizontaux à plateaux.

La pression exercée pour l’obtention de la cuvée ne dépasse pas 1 bar avant retrousse. Elle peut atteindre 1,3 à 1,5 bar pour les tailles.

Pressoir pneumatique horizontal – Modèle Bucher Vaslin – réservé à des centres de pressurages agrémentés


Sources bibliographiques

Duteurtre B, Le Champagne – De la tradition à la science – 2010
Viard E, Traité général de la vigne et des vins, étude complète… – 1892
Guyot, J, Culture de la vigne et vinification par le Dr Jules Guyot – 1864