Bio, Demeter, Biodyvin, Nature & Progrès, et j’en passe… Il y a de quoi se noyer sous le flot des labels présents sur les biens de consommation ! Ils sont censés nous assurer que ce que nous consommons est bon pour nous, et de plus, respectueux pour l’environnement. Mais quelle valeur réelle ont ces labels ?

L’Agriculture Biologique

C’est dans les années 1980 que les pouvoirs publics prennent en considération l’existence «d’une agriculture sans produits chimiques, ni pesticides de synthèse», avec l’apparition du logo AB en 1985.

Ce mouvement s’étend à toute l’Europe avec l’adoption d’une réglementation européenne en 1991 et l’harmonisation des étiquetages par la création d’un logo communautaire.

Logo communautaire pour la France

S’ajoutent alors de nouveaux courants  tels que la biodynamie qui souvent fixent des règles plus strictes que celles de l’Agriculture Biologique telles qu’elles sont définies dans le règlement européen. Nous allons en étudier les principales différences dans le monde viticole.

AB – Le Label Officiel

Reconnue par les pouvoirs publics en 1980 dans la loi d’orientation agricole de juillet 1980 faisant mention d’une « […] agriculture n’utilisant pas de produits chimiques de synthèse, dite « agriculture biologique » […] », l’Agriculture Biologique est définitivement baptisée comme telle en 1985 et son homologation est encadrée par un cahier des charges établi à l’échelon national. Il est complété au niveau Européen par le règlement (CE) N° 834/2007 du 28 juin 2007 avec l’apparition du logo Européen, et récemment amendé par le texte (UE) N°203/2012 en 2012.

L’agriculture Biologique encourage des pratiques culturales qui préservent la biodiversité et la stabilité du sol, un sol dont la fertilité est favorisée par l’épandage de matières organiques compostées issues, de préférence, de production biologique. Elle recommande également l’utilisation de préparations biodynamiques, et préconise de lutter contre les ravageurs, les maladies et les mauvaises herbes par des actions de protection de prédateurs, des choix d’espèces et de variétés adaptées, une rotation des cultures, etc…

Engrais et amendements nécessitent une autorisation préalable à leur utilisation, et l’usage de produits phytopharmaceutiques n’est autorisé que dans le cas d’une menace avérée pour la culture. Les produits phytosanitaires autorisés sont listés en annexe du décret : insecticides, fongicides, et intrants œnologiques, tous sont détaillés de façon exhaustive. Dans le cas particulier des arbres fruitiers dont la vigne, l’utilisation du cuivre est autorisée jusqu’à 6kg/ha/an.

Les taux maximum de SO2 autorisés dans les vins lors de leur mise sur le marché sont également clairement définis : ils correspondent aux taux maximum de SO2 autorisés pour la viticulture conventionnelle, que l’on diminue de 50 mg/l pour les vins rouges, blancs et rosés qui présentent un taux de sucre résiduel < 2g /l, et de 30mg/l pour les vins avec un taux résiduel > 2g/l. ( (Annexe III bis du règlement d’exécution UE N° 203/2012 de commission du 8 mars 2012.)

Les établissements certifiés Agriculture Biologique sont contrôlés une fois par an. Neuf organismes sont agrées pour  effectuer ces contrôles, comme ECOCERT et BUREAU VERITAS par exemple.

Les labels privés et certifiés

 

1- Le label DEMETER

Le label Demeter fut le premier à certifier les pratiques d’une agriculture biologique dynamique, plus communément appelée « Biodynamie ». Ce mouvement s’inscrit dans le prolongement de celui de l’Agriculture Biologique, et s’inspire de l’ouvrage « cours aux agriculteurs », écrit en 1924 par Rudolf Steiner, philosophe d’origine Croate.

La biodynamie impose deux préparations à pulvériser sur les plants, et qui sont :

  • La bouse de corne, préparation 500, qui consiste à remplir une corne de vache de bouse de vache, et à l’enterrer pendant 6 mois.
  • La silice de corne (préparation 501), qui consiste à remplir une corne de vache de poudre de quartz, et à la laisser sous terre pendant 6 mois également.

Les préparations des composts à ajouter au fumier sont également détaillées dans le cahier des charges Demeter et sont au nombre de 6  (préparations 502 à 507), comme par exemple celle à base de fleurs de camomille enveloppées dans un intestin de bovin, ou de fleurs d’achillée enveloppées dans une vessie de cerf.

La biodynamie fait en outre intervenir les cycles lunaires et astraux, et définit un calendrier permettant de connaître les dates favorables au semis, celles favorables aux travaux de la terre et aux soins des végétaux, etc..

Petite digression: ne me demandez pas si l’utilisation des préparations et la prise en compte des positions zodiacales des astres ont une influence ou pas sur le résultat final, aucun scientifique n’a réussi à en prouver les bienfaits.

Mais revenons à notre sujet: la biodynamie.

Pour obtenir la certification Demeter, il faut déjà être certifié AB, donc répondre aux exigences du cahier des charges règlementé par le décret (CE) N° 834/2007, auquel il faudra ajouter les restrictions supplémentaires imposées par le cahier des charges Demeter dont les grandes lignes sont:

  • En matière de culture, utilisation du cuivre limité à 3kg/ ha et par an, contre 6kg pour l’agriculture biologique et obligation d’utiliser les préparations biodynamiques (préparations 500 à 507) selon un calendrier bien spécifique.
  • En matière de vinification, les intrants œnologiques sont quasiment tous interdits. Ne sont autorisés que l’air et l’oxygène s’ils ne proviennent pas de micro-oxygénation, les actions de filtration et de clarification à la caséine, bentonite ou protéine de blé, ainsi que celle du sulfitage, mais avec des taux de SO2 bien inférieurs à ceux autorisés en Agriculture Biologique.

Les Taux de SO2 max autorisés :

  • Vin rouge : 70 mg/l
  • Vin blanc et rosé avec sucre <2g/l : 90 mg/l
  • Vin blanc et rosé avec sucre > 2g/l : 130 mg/l
  • Vin liquoreux : 200 ml/l
  • Vin mousseux : 60 mg/l

De plus, le label Demeter n’autorise que la bouteille en verre. Bag In Box et bouchons plastiques (à l’exception des bidules pour les mousseux) sont interdits.

La certification Demeter est contrôlée chaque année, soit par des intervenants internes à Demeter, soit par des les organismes de contrôles externes agrées et mandatés par Demeter et qui sont AGROCERT, ALPES CONTRÔLES, CERTIPAQ ET ECOCERT.

2- Le Label BIODYVIN

Biodyvin est un syndicat (Syndicat International des Vignerons en Culture Bio-Dynamique alias SIVCBD) crée en 1995 par une poignée de vignerons travaillant en biodynamie. Il est un peu le « Demeter du vin », et permet d’obtenir la certification en Biodynamie selon un cahier des charges rédigé par Biodyvin et qui semble moins restrictif que celui de Demeter : il impose l’utilisation des préparations 500, 501, 502, etc…mais ne définit pas les périodes autorisées de pulvérisations des boues. Il ne limite pas non plus le taux maximum de cuivre autorisé par an comme le fait Demeter. Il manque en outre de précisions sur la liste des intrants œnologiques interdits ou les dérogations pour certains d’entre eux.

Seuls sont fixés les taux de SO2 max imposé par le label Biodyvin, pour les vins dont le taux de sucre résiduel se situe en-deça ou au-delà de 5g/l, et en y ajoutant la notion d’élevage prolongé : le taux de soufre est légèrement supérieur pour des vins dont l’élevage dépasse 9 mois que pour ceux soumis à une courte période de repos.

A l’instar de la certification Demeter, la condition pré-requise pour pouvoir prétendre au label Biodyvin est d’être déjà certifié « Agriculture Biologique » ou d’être a minima dans les deux premières années de conversion AB.

La bonne application du cahier des charges Biodyvin est contrôlée une fois par an par l’organisme ECOCERT.

Les autres labels

 

Il existe pléthore de labels et autres marques distinctives, trop peut-être, dont je ne parlerai pas : ils n’ont, en effet, pas de valeur légale puisqu’ils ne sont encadrés ni par la loi française ni par aucune réglementation européenne. Ils ne font pas non plus l’objet de contrôles par les organismes de certification agrées.

D’aucuns se demandent toutefois pourquoi certaines bouteilles portent le logo «Vegan», alors je vais en parler rapidement.

Le label Vegan est été crée par la société anglaise « Vegan Society », une association à but non lucratif, datant de 1944. Elle prône le végétalisme total, excluant la consommation de produits dérivés d’animaux tels que le lait, les œufs, le miel, etc…

Lorsqu’il est étiqueté sur les produits, le label Vegan est censé garantir aux consommateurs que le produit ne contient aucun ingrédient d’origine animale.

Un vin est forcément « vegan » puisqu’il est fait à base de raisins, allez-vous me dire !  Certes. Mais la transformation des raisins en vin  fait appel à des procédés de clarification qui utilisent des produits dérivés comme la colle à poisson (substance gluante que l’on trouve sur la peau des poissons), la gélatine de porc, ou le blanc d’œuf.  Ces agents ne sont que des « auxiliaires technologiques », c’est à dire des substances non consommées comme ingrédients alimentaires, mais utilisées lors de la fabrication ou de la transformation de denrées alimentaires, dont il peut rester d’infimes résidus dans le produit final. Certains vignerons apposent donc le logo Vegan sur les bouteilles de vins pour indiquer que ces derniers n’ont pas été clarifiés à l’aide de molécules animales.

Le problème est que la Vegan Society ne produit aucun cahier des charges définissant les bonnes conduites de ceux qui adhèrent à la charte et au logo, et qu’il n’y a aucun organisme agrée qui contrôle et vérifie le contenu des produits labellisés « vegan ». L’apposition d’un tel logo n’est donc encadrée par aucune loi dans aucun pays, et certains fabricants vont jusqu’à créer leur propre logo Vegan, générant une confusion totale dans la tête des consommateurs.

Tant que les organismes qui se prétendent certificateurs ne seront pas reconnus et réglementés par la loi Européenne, il n’y aura aucune garantie que le produit fini soit effectivement compatible avec le mode de vie dit « vegan ».

Quid de l’Agriculture Raisonnée ?

 

L’agriculture raisonnée est une démarche qualité visant à un meilleur respect de l’environnement, et pour laquelle les pratiques de fertilisation et de traitements phytosanitaires ne sont pas systématiques, mais uniquement réalisées si la situation l’impose.

L’Agriculture Raisonnée bénéficie d’un cadre légal défini par le Décret n° 2002-631 paru au Journal officiel du 28 Avril 2002 qui indique l’ensemble des conditions requises pour bénéficier officiellement de la qualification « Agriculture raisonnée ». En revanche, il appartient au viticulteur (ou plus largement, aux agriculteurs) d’en demander la certification.

La qualification porte sur l’exploitation, et non sur le produit. Les produits issus des exploitations certifiées porte la mention « produit issu d’une exploitation qualifiée au titre de l’Agriculture Raisonnée » : c’est la seule mention qui soit autorisée et reconnue à l’heure actuelle.

16 organismes certificateurs, accrédités par la COFRAC, sont en charge de la certification Agriculture raisonnée, parmi lesquels on retrouve AGROCERT, QUALISUD, TERRAE, etc…

Par décret n° 2011-694 du 20 juin 2011, les exploitations agricoles peuvent désormais demander une certification environnementale labellisée HVE «Haute Valeur Environnementale», qui comprend 3 niveaux d’exigences, le niveau 3 étant le plus complet puisqu’il atteste du respect, pour l’ensemble de l’exploitation agricole, des seuils de performance environnementale portant sur la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la gestion de la fertilisation et de la ressource en eau, et mesurées par différents indicateurs. Le logo HVE peut être apposé sur les produits finis contenant au moins 95% de matières premières issues d’exploitations de haute valeur environnementale.

8 organismes certificateurs sont accrédités pour la certification HVE, dont AFNOR, BIOTEK, BUREAU VERITAS, etc…

Et le Vin Nature ?

 

Le «vin nature» fait couler beaucoup d’encre en ce moment.

Si l’on prend la définition exacte du mot nature, il définit l’ « ensemble de ce qui, dans le monde physique, n’apparaît pas comme transformé par l’homme ». Hors, sans intervention humaine, le vin n’existe pas. Il ne peut donc être, au sens étymologique du terme, « nature »…

Mais admettons. On entend par « vin nature », un vin vinifié sans aucun intrant œnologique, et sans soufre ajouté. Mais à l’instar du label  «Vegan», la mention «Vin nature» ne fait l’objet d’aucune réglementation. Chaque vigneron peut qualifier une cuvée de « vin nature », si ça lui chante, personne n’ira vérifier si c’est vrai.

En outre, cette mention se retrouve bien souvent sur des bouteilles dont les vins présentent des déviances aromatiques. Je ne dis pas que tous les « vins nature » ne sont pas agréables à boire, mais beaucoup d’entre eux présentent des défauts.

Quand on sait que l’homme a lutté pendant une vingtaine de siècles pour trouver un moyen d’éviter ces déviances aromatiques, j’ai du mal à comprendre cet entêtement à vouloir renier des années d’avancées technologiques et œnologiques, pour produire des vins souvent à défaut qui, de par leur nature, ne peuvent de toute façon pas être déclarés sains puisqu’ils contiennent toujours de l’alcool.

 

Comment faire le bon choix ?

Nous finissons tous par nous poser cette question :  comment être sûr de faire le bon choix si l’on souhaite des vins respectueux de l’environnement ?

Même si les labels officiels, AB ou Demeter, permettent déjà de sélectionner ceux qui travaillent proprement leurs terres, puisqu’ils font l’objet de contrôles annuels, beaucoup de vignerons non labellisés prennent également soin de leur environnement et produisent des vins de grande qualité, sans chercher à obtenir une quelconque certification. Ils sont donc « conventionnels » et pourtant, ils n’emploient aucun produit chimique: la qualité de leur vin sont pour eux une preuve suffisante de leur savoir-faire.

Il faut en revanche se méfier de tous les labels non officiels qui poussent comme des champignons et qui n’ont aucune valeur légale. Ceux-là sont bien souvent exploités à des fins commerciales et désinforment le consommateur.

Comme le dit Pierre Bernault, vigneron au château Beauséjour, à Montagne, «Le résultat est dans la bouteille, et pas dans l’appartenance à telle mouvance ou certification, parce que dans la bouteille, il y a aussi l’homme, son honnêteté, sa sincérité… et qu’un logo ne prouve rien à ce propos.»

 


Sources bibliographiques

Marc Benoît, Antoine Messéan, Jacques Caneill, François Papy, Philippe Prevost, Des agronomes pour demain – 2008
http://www.ecocert.fr/reglementation-agriculture-biologique
https://www.legifrance.gouv.fr
http://agriculture.gouv.fr/certification-environnementale-mode-demploi-pour-les-exploitationsdemeter.fr