Mention légale « Contient des Sulfites » : son origine

L’anhydride sulfureux, ou SO2, fait partie des nombreux additifs que l’on peut retrouver dans les aliments pour leur conservation, leur goût, leur couleur, leur texture, etc.
Les propriétés anti-oxydante et antiseptique du SO2 en font un additif alimentaire très prisé et pour cause: nous n’avons pas trouvé mieux pour conserver les aliments fragiles (voir l’article « les sulfites dans le vin » ici).
Classés non toxiques par la FDA (Food And Drug Administration) jusqu’en 1986, ce dernier se retrouve dans le viseur des allergologues qui le suspectent d’être à l’origine d’intolérances alimentaires développées par certains de leur patients asthmatiques.
Même si le coupable n’a pas été identifié avec certitude dans ces cas rares d’intolérance, une nouvelle réglementation imposa en 2005 l’étiquetage des allergènes sur les boissons alcoolisées.
C’est ainsi qu’apparut la mention « Contient des Sulfites » sur nos dives bouteilles dès que la teneur en SO2, mesurée au moment de la mise en bouteille, dépasse 10 ppm ou 10 mg/l.

L’utilisation des sulfites dans le vin: les étapes

L’emploi de l’anhydride sulfureux se fait à différentes étapes de la vinification:

  •  au moment de la vendange, où le sulfitage des raisins les préserve d’une oxydation prématurée et indésirable. La quantité de SO2 nécessaire  dépendra de l’état sanitaire des raisins: elle sera d’autant plus élevée que la vendange est altérée, le SO2 se combinant d’autant plus facilement avec les sucres du raisin en cas de pourriture, réduisant l’efficacité de son action bactéricide et fongicide.
  • pendant les fermentations, où le sulfitage aura une action antiseptique lors d’un arrêt inopiné de la fermentation alcoolique, par exemple, ou une action bactéricide en fin de fermentation malolactique,
  • pendant l’élevage, pour éviter toute reprise d’activité fermentaire par des micro-organismes encore présents dans le moût,
  • à la mise en bouteille, une étape cruciale et presque obligatoire afin de stabiliser le vin et de le protéger d’une oxydation excessive.

Mesure du taux de SO2 dans le vin

Le taux de SO2 contenu dans un vin est mesuré au moment de la mise en bouteille, il fait partie des différentes substances résiduelles mesurées pour vérifier le bon respect des teneurs légales maximales autorisées permettant la commercialisation du produit.
En l’occurrence, tout vin dont le taux de S02 après mise en bouteille dépasse 10 mg/l doit obligatoirement porter la mention « Contient des Sulfites ».

Le taux de SO2 mesuré est le SO2 total contenu dans le vin au moment de la mise en bouteille selon la formule suivante:

Taux de SO2 total = taux de SO2 combiné + taux de SO2 libre.

  • Le SO2 combiné est la partie du soufre qui se combine avec les composants du moût, notamment les anthocyanes et les polyphénols.
  • Le SO2 libre est la partie du soufre qui ne se combine pas au moût et dont une partie est dite « active ». C’est cette portion active de SO2 libre qui va avoir un effet protecteur efficace sur le vin.

Selon la nature du vin et sa capacité à se combiner au soufre, la proportion de SO2 libre représente environ 10 à 50% du SO2 total mesuré, tandis que la proportion dite « active » (et donc protectrice) oscille entre 5 et 10% du SO2 libre, sa variation étant fonction du pH, de la température, et du degré alcoolique du vin. Plus le vin est acide, plus le niveau de SO2 actif est élevé: il est donc plus facile de limiter l’apport de SO2 sur des vins à pH acide.

Le taux de SO2 total mesuré est purement indicatif !

Le taux de SO2 total mesuré dans un vin n’est valable qu’au moment de la mise en bouteille car ce même taux diminue avec le temps.
Le SO2 libre, par exemple, chute rapidement le premier mois: sa teneur baisse en moyenne de 30% pendant le premier mois, puis diminue plus lentement, de 2 à 4% par mois selon les vins.
Cette mention est donc indicative mais elle ne reflète pas forcément la réalité au moment où l’on consomme le vin.
Un vin vieux d’une dizaine d’année a de fortes chances de ne plus contenir de SO2….

Pourquoi les vins sans sulfites ajoutés portent quand même la mention « contient des sulfites » ?

Les sulfites contenus dans le vin et mesurés au moment de la mise en bouteille ont deux origines:

  • une origine de type fermentaire, les levures produisant naturellement du SO2 pendant la fermentation, en général entre 10 à 30 mg/l, sous forme libre ou combinée. Cette quantité est très variable selon la nature des souches de levures et peut parfois dépasser les 100 mg/l.
    Un phénomène que connaissent bien les laboratoires œnologiques puisqu’ils proposent aujourd’hui des souches de levures spécialement sélectionnées  pour leur capacité à ne produire qu’un taux très faible de SO2 pendant la fermentation. N’en déplaisent aux protagonistes du « tout nature sans intrants ni sulfites », un des moyens efficaces de lutter contre la production excessive de sulfites par les levures consiste à apporter au moût des levures exogènes reconnues pour leur faible production de SO2.
  • autre origine des sulfites: l’apport de SO2 par le vinificateur. Comme décrit au début de l’article, le sulfitage est une action répétée à différentes étapes de la vinification.
    Lorsqu’un vigneron ne procède à aucun sulfitage, de la vendange jusqu’à la mise en bouteille, il peut apposer sur l’étiquette la mention « sans sulfites ajoutés ». Rappelons au passage que cette mention n’a aucune valeur légale et ne fait pas l’objet d’aucun contrôle par les organismes certificateurs.
    Malheureusement, cela ne signifie pas que le vin ne contient pas de sulfites, c’est la raison pour laquelle la mention « contient des sulfites » côtoie très fréquemment celle des « sans sulfites ajoutés ».

Prenons des exemples chiffrés. Le domaine viticole alsacien Laurent Bannwarth travaille en biodynamie depuis très longtemps, produit des vins en Qvevris, et  possède une longue expérience de la vinification sans ajouts de sulfites: il m’a communiqué les résultats des analyses de ses vins, dont nous allons comparer les taux.

Les trois vins pris en exemple sont tous vinifiés sans ajout de levures, ni chaptalisation, ni intrants chimiques, mais le premier a fait l’objet d’un ajout de sulfites à la mise en bouteille, le second n’a subi aucun sulfitage et le troisième a fait l’objet d’une vinification en Qvevri (aucun sulfitage):

Les chiffres parlent d’eux-mêmes: la cuvée Riesling « Coeur de Bild » 2013 contient 31 mg/l de sulfites que l’on peut qualifier de « naturels » car produit par les levures au moment de la fermentation. La cuvée « Pinot Gris » vinifié en Qvevris en possède moitié moins, un phénomène que l’on constate fréquemment dans les vins en Qvevris et qui doit être lié à ce mode de vinification très particulier, mais en quantité suffisante pour imposer l’affichage de la mention « Contient des Sulfites ».

Il n’existe quasiment pas de vins sans sulfites, le taux de 10 mg/l étant déjà très vite atteint par le travail de fermentation des levures, ce qui signifie que la mention « Contient des Sulfites » se retrouve quasiment sur toutes les bouteilles de vin, qu’il y ait eu des opérations de sulfitage ou non pendant la vinification ou à la mise en bouteille.


Sources bibliographiques

Patricia Taillandier & Jacques Bonnet, Le vin – Composition et transformations chimiques – 2005
B. NICOLINI, Evolution de la teneur en SO2 au cours de la première année de conservation en bouteille – Assemblée Générale ICV Mai 2007